Conseil d'État

Conseil d'État et énergie : le juge administratif au cœur des enjeux de votre facture

Le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative en France, joue un rôle fondamental mais souvent méconnu dans le secteur de l'énergie. Ses décisions, qui peuvent paraître lointaines et techniques, ont pourtant des répercussions directes et concrètes sur le quotidien des consommateurs, qu'il s'agisse du montant de leur facture d'électricité, du déploiement de nouvelles technologies comme le compteur Linky, ou encore de l'avenir des énergies renouvelables. En tant que juge de l'administration, il s'assure que les décisions prises par le gouvernement, les ministères ou les autorités de régulation respectent la loi.

Le rôle double du Conseil d'État : conseiller et juge

Créé en 1799, le Conseil d'État a une double mission. D'une part, il conseille le gouvernement sur la légalité des projets de loi, décrets et ordonnances avant leur adoption. Son avis vise à garantir la sécurité juridique des textes. D'autre part, il est le juge suprême de l'ordre administratif, chargé de trancher les litiges entre les citoyens (ou les entreprises) et les pouvoirs publics. C'est dans ce cadre qu'il est amené à se prononcer sur des questions cruciales dans le domaine de l'énergie, un secteur fortement réglementé où l'intervention de l'État est omniprésente.

Les décisions du Conseil d'État en matière d'énergie touchent à des domaines variés :

  • La fixation des tarifs de l'énergie : il contrôle la légalité des arrêtés ministériels qui fixent les tarifs réglementés de vente (TRV) de l'électricité et du gaz.
  • Le déploiement des infrastructures : il a eu à se prononcer sur la légalité du déploiement des compteurs communicants Linky.
  • La politique de transition énergétique : il veille à ce que l'État respecte ses engagements en matière de développement des énergies renouvelables.
  • La régulation du marché : il arbitre les conflits entre les différents acteurs du marché de l'énergie (producteurs, fournisseurs, gestionnaires de réseau).

Tarifs réglementés : le Conseil d'État, gardien du pouvoir d'achat

L'une des interventions les plus marquantes du Conseil d'État concerne les tarifs réglementés de vente (TRV) de l'électricité, connus sous le nom de Tarif Bleu d'EDF. Ces tarifs, qui concernent des millions de foyers, sont fixés par les pouvoirs publics. À plusieurs reprises, le Conseil d'État a été saisi par des fournisseurs alternatifs qui contestaient ces tarifs, les jugeant contraires au droit de la concurrence.

Dans une décision majeure de 2018, le Conseil d'État a validé le principe des tarifs réglementés pour l'électricité, considérant qu'ils poursuivaient un objectif d'intérêt général en assurant la stabilité des prix pour les consommateurs. Il a qualifié l'électricité de "bien de première nécessité" et a estimé que la suppression des TRV risquerait d'entraîner une volatilité des prix préjudiciable aux ménages. Cette jurisprudence a été essentielle pour maintenir un filet de sécurité pour de nombreux Français face aux fluctuations des marchés de l'énergie.

Cependant, le Conseil d'État a également annulé certains arrêtés tarifaires lorsqu'il a estimé que la méthode de calcul ne reflétait pas les coûts réels d'approvisionnement d'EDF, conduisant à des tarifs soit trop bas, ce qui pénalisait les concurrents, soit trop élevés, ce qui lésait les consommateurs. Ces décisions obligent le gouvernement à plus de transparence et de rigueur dans la fixation des prix, avec un impact direct sur le montant final de la facture d'électricité.

Le compteur Linky : entre modernisation du réseau et protection des usagers

Le déploiement massif du compteur communicant Linky par le gestionnaire de réseau Enedis a suscité de nombreuses controverses et actions en justice. Des communes, des associations et des particuliers se sont tournés vers les tribunaux administratifs, puis vers le Conseil d'État, pour s'opposer à l'installation de ces nouveaux compteurs, invoquant des motifs variés : risques pour la santé liés aux ondes électromagnétiques, protection des données personnelles, ou encore le droit de refuser l'installation.

Le Conseil d'État a rendu plusieurs décisions clés sur ce sujet. En 2019, il a jugé que les communes n'avaient pas la compétence pour s'opposer au déploiement des compteurs Linky sur leur territoire. Il a estimé que la réglementation du déploiement des compteurs relevait de la compétence de l'État, notamment pour garantir l'uniformité et le bon fonctionnement du réseau électrique national. Le Conseil a également précisé que les communes qui avaient transféré leur compétence en matière de distribution d'électricité à un syndicat départemental n'étaient plus propriétaires des compteurs.

Concernant les inquiétudes sur la santé, le Conseil d'État a rappelé que c'est à l'État de veiller à la protection de la santé publique en fixant des limites d'exposition aux ondes, et que les maires ne pouvaient pas se substituer à l'État en la matière, même au nom du principe de précaution. Sur la question des données personnelles, le Conseil d'État a également débouté des communes qui s'inquiétaient de la collecte d'informations par le compteur, jugeant qu'elles n'avaient pas un intérêt direct à agir en lieu et place des usagers.

Plus récemment, en 2024, le Conseil d'État a validé la légalité d'une facturation supplémentaire pour les usagers non équipés de Linky qui ne transmettent pas eux-mêmes leur relevé de consommation. Cette décision confirme que si le consommateur a le droit de refuser l'accès à son domicile, il doit en assumer les conséquences financières liées aux surcoûts de relève.

Transition énergétique et énergies renouvelables : le Conseil d'État pousse l'État à agir

Le Conseil d'État joue également un rôle d'aiguillon dans la politique de transition énergétique de la France. Il est de plus en plus saisi par des associations environnementales qui estiment que l'État ne prend pas des mesures suffisantes pour atteindre ses objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre et de développement des énergies renouvelables.

Dans une décision de novembre 2024, le Conseil d'État a donné raison à un bureau d'études qui reprochait au gouvernement son inaction pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Il a annulé le refus implicite de la Première ministre de prendre les mesures réglementaires nécessaires pour simplifier et accélérer les procédures d'autorisation des projets éoliens et photovoltaïques. Ce type de décision contraint le gouvernement à passer à l'action et à traduire ses engagements climatiques en actes concrets, ce qui a un impact à long terme sur le mix énergétique français et la diversification des sources d'approvisionnement.

De même, le Conseil d'État a été amené à se prononcer sur la légalité de projets d'infrastructures énergétiques majeures, comme des parcs éoliens ou des centrales biomasse, en veillant à l'équilibre entre les besoins énergétiques et la protection de l'environnement. Il a par exemple jugé que l'étude d'impact d'une centrale biomasse devait analyser non seulement les incidences directes de l'installation, mais aussi les incidences indirectes liées à l'exploitation de la ressource en bois.

En somme, le Conseil d'État est un acteur central du secteur de l'énergie. Par sa jurisprudence, il façonne le cadre juridique qui s'applique aux consommateurs et aux entreprises. Ses décisions, en cherchant un équilibre entre la concurrence, le service public, la protection des consommateurs et les impératifs environnementaux, ont une influence déterminante sur le coût, la nature et la sécurité de l'énergie que nous consommons chaque jour.

Sobry met fin aux  contrats obsolètes.

Rejoignez-nous et prenez part à la révolution énergétique !