Marché électrique (FR)
Marché de l'électricité en France : panorama
Le marché de l'électricité en France, souvent perçu comme complexe, est au cœur des préoccupations de millions de foyers et d'entreprises. Comprendre les mécanismes qui fixent le prix du kilowattheure (kWh) est devenu essentiel, surtout face à la volatilité observée ces dernières années. Cet article vise à éclaircir le fonctionnement de ce marché, en partant des bourses européennes où tout se joue, jusqu'à l'impact concret sur votre facture.
Le marché de gros : là où tout commence
Loin des prises électriques de nos logements, le prix de l'électricité se forme d'abord sur le marché de gros. C'est ici que les producteurs (comme EDF, mais aussi les exploitants de centrales à gaz, de parcs éoliens ou solaires) vendent leur énergie aux fournisseurs d'électricité (tels que TotalEnergies, Engie, et des dizaines d'autres) qui, à leur tour, la commercialiseront aux consommateurs finaux. Ce marché permet d'assurer l'équilibre constant entre la production et la consommation, l'électricité étant une énergie qui ne se stocke quasiment pas à grande échelle.
Le prix "spot" : le pouls du marché
Au cœur du marché de gros se trouve le marché "spot", ou marché au comptant. Sur cette place de marché européenne (EPEX SPOT pour la France), l'électricité s'échange pour le lendemain, heure par heure. Son prix, extrêmement volatil, est le reflet en temps réel de l'équilibre entre l'offre et la demande. Une vague de froid annoncée, et la demande de chauffage fait grimper les prix ; un fort ensoleillement, et l'abondance d'énergie solaire les tire vers le bas.
L'ordre de préséance (Merit Order) : la clé de la formation des prix
Pour comprendre la formation de ce prix spot, il faut connaître le principe fondamental de l'ordre de préséance, ou "merit order". Pour répondre à la demande d'électricité à un instant T, on fait appel aux centrales de production en commençant par les moins chères à faire fonctionner, jusqu'à ce que la demande soit entièrement couverte.
L'ordre est généralement le suivant :
- Énergies renouvelables (éolien, solaire, hydraulique au fil de l'eau) : leur coût marginal est quasi nul (le vent et le soleil sont gratuits).
- Nucléaire : son coût de fonctionnement est faible une fois la centrale construite.
- Centrales thermiques : d'abord le charbon, puis le gaz, dont les coûts dépendent du prix du combustible et des quotas de CO₂.
Le point crucial est que la dernière centrale appelée pour satisfaire la demande fixe le prix pour toutes les autres. Ainsi, même si 90% de l'électricité est produite à bas coût (renouvelable et nucléaire), si la dernière unité de production nécessaire est une centrale à gaz, c'est son coût de fonctionnement élevé qui déterminera le prix de marché pour tout le monde à cette heure-là.
Les principaux facteurs de volatilité des prix
Cette règle du "merit order" explique pourquoi le marché de l'électricité est si sensible à certains facteurs, créant une forte volatilité.
L'influence déterminante du prix du gaz et du CO₂
Comme les centrales à gaz sont très souvent les dernières à être appelées pour équilibrer le réseau, leur coût de production devient le prix de référence du marché. Ce coût est directement lié à deux éléments :
- Le prix du gaz naturel sur les marchés mondiaux.
- Le prix des quotas d'émission de CO₂ sur le marché européen du carbone (EU-ETS). Les producteurs d'électricité à partir d'énergies fossiles doivent acheter des "droits à polluer" pour chaque tonne de CO₂ émise.
Par conséquent, une flambée des cours du gaz ou une augmentation du prix de la tonne de CO₂ entraîne mécaniquement une hausse des prix de gros de l'électricité, même dans un pays comme la France où la production est majoritairement décarbonée.
Autres facteurs influents
D'autres éléments jouent un rôle majeur dans la fluctuation des prix :
- La météo : les vagues de froid augmentent drastiquement la demande de chauffage, tandis qu'une canicule pousse à l'usage de la climatisation. Le manque de vent ou de soleil réduit l'offre d'énergies renouvelables.
- La disponibilité du parc nucléaire : des arrêts pour maintenance ou des problèmes techniques sur les réacteurs français réduisent la production d'électricité à bas coût, obligeant à recourir davantage aux centrales thermiques plus onéreuses.
- La conjoncture économique et géopolitique : une crise internationale peut perturber l'approvisionnement en gaz, comme l'a montré le conflit en Ukraine, provoquant une envolée historique des prix.
L'ARENH, un mécanisme de protection (bientôt révolu)
Pour protéger les consommateurs de cette volatilité et favoriser la concurrence, la France a mis en place en 2011 un mécanisme spécifique : l'ARENH (Accès Régulé à l'Électricité Nucléaire Historique).
Qu'est-ce que l'Accès Régulé à l'Électricité Nucléaire Historique ?
Ce dispositif oblige EDF à vendre à ses concurrents jusqu'à 100 TWh d'électricité d'origine nucléaire par an, à un prix fixe et régulé de 42 €/MWh. L'objectif était de permettre aux fournisseurs alternatifs de ne pas dépendre entièrement des prix de gros et de proposer des offres compétitives en bénéficiant de la compétitivité du parc nucléaire français.
Les limites et la fin programmée de l'ARENH
Cependant, lorsque les prix sur le marché de gros dépassent largement les 42 €/MWh, la demande des fournisseurs pour l'ARENH explose et dépasse le plafond de 100 TWh. Dans ce cas, un "écrêtement" a lieu : les fournisseurs ne reçoivent qu'une partie de l'électricité demandée au tarif ARENH et doivent acheter le reste sur le marché spot, à prix fort. Ce surcoût se répercute inévitablement sur les offres commerciales.
Ce mécanisme, jugé imparfait et temporaire, prendra fin le 31 décembre 2025. Le gouvernement et EDF ont convenu d'un nouveau cadre de régulation pour le remplacer, visant à assurer un prix moyen de l'électricité nucléaire autour de 70 €/MWh, avec des mécanismes de redistribution des profits en cas de flambée des prix.
Quel impact sur votre facture d'électricité ?
Toutes ces dynamiques du marché de gros ont des conséquences directes sur le prix que vous payez. Le prix final sur votre facture se décompose en trois grandes parties : la fourniture d'énergie, le transport (acheminement) et les taxes. C'est la partie "fourniture" qui est directement impactée par les coûts d'approvisionnement sur le marché de gros.
Des offres de marché directement liées aux prix de gros
Les fournisseurs construisent leurs offres en se basant sur leurs coûts d'achat : une partie via l'ARENH (tant qu'il existe) et le reste sur les marchés à terme ou spot. C'est pourquoi les offres à prix de marché, notamment celles indexées sur le prix spot, peuvent varier considérablement. Un contrat à prix fixe vous protège de la volatilité pendant sa durée, mais son niveau de prix initial est fixé par le fournisseur en anticipant les évolutions du marché.
Le rôle du Tarif Réglementé de Vente (TRV)
Le TRV, aussi connu comme le Tarif Bleu d'EDF, est une offre dont le prix est fixé par les pouvoirs publics après avis de la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE). Bien qu'il soit conçu pour refléter les coûts d'un fournisseur efficace, il est moins sujet à la volatilité à court terme du marché spot. Cependant, il intègre progressivement les hausses structurelles des coûts d'approvisionnement. Pour limiter l'impact de la crise énergétique, le gouvernement a mis en place un bouclier tarifaire, une mesure exceptionnelle qui a plafonné la hausse du TRV en compensant une partie des pertes des fournisseurs.
En conclusion, le prix de l'électricité en France est le fruit d'un équilibre complexe, fortement influencé par les marchés européens et le coût de la dernière centrale appelée pour répondre à la demande, qui est souvent une centrale à gaz. Cette dépendance explique la forte volatilité des prix et l'impact direct des cours du gaz et du CO₂. La fin de l'ARENH en 2025 ouvrira un nouveau chapitre dans la régulation du marché, avec l'objectif de mieux protéger les consommateurs tout en reflétant les coûts réels de production.
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